Verdon – version 2013

By Bertrand, 16 septembre 2013

Endives, orage, sortie nocturne, … c’est un Verdon plein de surprises que nous avons côtoyé cette année !

Retour sur nos traces pour Vincent et moi, baptême du feu pour Jean-Baptiste et Stéphane. Peu importe le vécu de chacun, l’excitation est grande au moment de plonger dans l’antre des gorges.

Fin de matinée à Moustiers-Sainte-Marie, le soleil brille sur le parking du 8 à 8, lieu du rdv des convois suisse et parisien. Le réveil a été matinal pour nous tous. Pas de long discours, nos sourires et nos yeux qui brillent en disent long sur notre plaisir de se retrouver sous l’étoile de la Vierge. Sandwichs, endives et chaussons dans le sac à dos, nous sommes fin prêts pour trois jours d’aventure au pays du calcaire gris.

Nous ne perdons pas de temps. Quelques rappels vertigineux et de belles glissades sur une sente abrupte nous mènent au pied de « hissage nocturne » : voie moderne bien équipée à l’entrée des gorges, à l’embouchure du Verdon et le lac de Sainte Croix : le lieu et l’escalade sont parfaits pour une acclimatation tout en douceur. 8 longueurs pour seulement 90 mètres de dénivelé, le tracé est caractérisé par de grandes traversées qui évitent astucieusement les grands toits déversants de la falaise. Seuls sur la voie ce jour là, notre quiétude sera malheureusement régulièrement troublée par des centaines de marins d’eau douce venus pagayer sur les eaux du Verdon. Confortablement assis à l’un des relais, j’observe à distance ce va-et-vient d’embarcation dans un brouhaha diffus. Nous sommes bien là haut…

Alors que je ne cesse de faire à mes compagnons la publicité des repas de l’Arc-en-Ciel, notre gîte, quelle n’est pas ma surprise d’apprendre que la gardienne aurait compris lors de la réservation que nous ne souhaitions pas dîner au gîte le premier soir ! Cette infortune nous donne l’occasion de découvrir un restaurant de La Palud pour une bonne bouffe entre potes.

Lendemain matin ; repos forcé derrière les vitres humides du gîte. Sieste pour certains, lecture pour d’autres. L’escalade est aussi affaire de patience. Heureusement pour nous, le calcaire gris du Verdon est connu pour sa capacité à sécher très rapidement. Si bien qu’au premier rayon de soleil nous plongeons au fond des gorges de l’Escalès pour prendre pied sur le fameux Jardin des Ecureuils. Jean-Baptiste et moi partons pour la très classique « Afin que nulle ne meure » tandis que Vincent et Stéphane s’engagent dans une voie parallèle. L’escalade est plaisante et tout se passe fort bien jusqu’au moment où nous entendons de graves grondements sourds. Il ne fait rapidement plus de doute sur le caractère de ces grondements qui se font de plus en plus oppressants. Rapidement le ciel se couvre et la pluie, puis la grêle, nous assaillent. Nos deux cordées sont prises dans la tourmente. Patience à nouveau. Nous ne perdons pas notre bonne humeur et nous installons aussi confortablement que possible sur la terrasse d’un relai. Les blagues fusent entre les deux cordées, éloignées de quelques mètres seulement. On sort quelques provisions, on éloigne la ferraille, bref on s’occupe. A la première accalmie nous faisons sécession et nous engageons dans les dernières longueurs. Pas de chance pour moi j’arrive sur le crux de la voie, un pas de dalle tout en adhérence sans protection évidente sur un rocher détrempé. Il me faudra plusieurs minutes pour comprendre le mouvement… Tout est bien qui finit bien et nous nous activons pour ne pas rater l’heure du souper. Cela aurait été rageant de le rater une seconde fois !

Troisième jour, les choses sérieuses peuvent commencer ! Jean-Baptiste et Stéphane partent pour une grande aventure : La Demande. Voie mythique que Vincent et moi avons parcourue il y a quelques années et qui nous avait profondément marqué. De notre côté ce sera ULA, autre mythe. Pour citer Olivier, notre hôte du gîte de l’Arc en Ciel : « majeure et incontournable ». La voie a fait beaucoup parler d’elle puisqu’elle a subit un déséquipement sauvage il y a quelques années et celle-ci est désormais vierge de tout anneau métallique (hormis les relais). Voici ce qu’en dit Olivier, qui résume bien mon état d’esprit également :
Si on ne peut encourager le coté « acte isolé et anonyme », force est de constater qu’une telle évolution était dans l’air du temps, suggérée par pas mal de grimpeurs respectables, même si elle ne fera sans doute pas l’unanimité. En tout cas, la voie dans cet état est à notre sens magnifique, et il est à souhaiter qu’elle soit parcourue telle quelle par pas mal de monde avant d’y envisager la moindre modification, ne serait-ce que par égard pour le rocher…
Certes, parcourir cette voie demande désormais une certaine expérience du terrain d’aventure (nous sommes partis bien alourdis de deux jeux entiers de friends et autres coinceurs…) et limite donc le nombre de personnes susceptibles de la parcourir. Cependant, la beauté de l’escalade ne réside t-elle pas aussi dans la préparation méticuleuse à la réalisation d’un objectif. Alors, oui, il faudra désormais passer par un certain investissement en temps et en matériel pour venir se frotter à cette fissure d’exception, mais ceci n’est-il pas souhaitable ? Je le crois.

ULA reste pour moi un pur moment de bonheur tant l’escalade aura été fascinante.

Vincent et moi sortons à la tombée du jour tandis que nos amis engagés dans La Demande se préparent seulement à attaquer les longueurs dures, ou plutôt devrais-je dire déroutantes de leur voie. Cela sera de nuit… Nous imaginons bien les difficultés physiques et morales qui se dressent devant eux et nous allons donc nous positionner à la sortie de leur voie en espérant pouvoir communiquer avec eux. Un vent tonitruant glace nos os lorsque vers 22h30 nous entendons la voix de nos amis et distinguons le halo d’une lampe frontale. Quelle joie de les voir apparaître à la lueur du clair de lune. Je ressens un profond respect pour le courage dont ils ont fait preuve et plus encore pour le sourire qu’ils affichent après cette épreuve.

Une fois les cordes pliées tout se précipite. Stéphane et moi devons faire la route jusque Lausanne. Une grosse nuit en perspective après une journée intense. Mais on ne changerait rien au monde pour ce genre d’émotions.

 

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