Le vent souffle sur les Calanques

By Bertrand, 14 février 2018

Il arrive fréquemment que les lectures en cours teintent mon écriture. Cette fois-ci j’ai le sentiment que mes lectures ont teinté notre séjour marseillais !

 

Absorbé dans l’univers fécond de Damasio et de sa Horde du Contrevent, le vent qui fait rage de page en page semblait poursuivre inlassablement sa course incessante jusque sur nos cordées engagées dans les falaises déchiquetées des Calanques.

 

« Nous sommes faits de l’étoffe dont sont tissés les vents. »

Pas un jour sans que le mistral du nord-ouest ou que le sirocco marin du sud-est ne nous cueille aux aurores et nous borde au crépuscule. Un savant jeu de cache-cache s’engage alors pour lui fausser compagnie et épargner nos visages et doigts battus. C’est cet incessant barattage qui nous laisse échapper un ironique « on est quand même mieux là » une fois la voie d’escalade terminée et le corps abrité derrière un bloc de calcaire ou un buis suffisamment épais pour nous donner quelque répit.

 

« Qu’importe où nous allons, honnêtement. Je ne le cache pas. De moins en moins. Qu’importe ce qu’il y a au bout. Ce qui vaut, ce qui restera n’est pas le nombre de cols de haute altitude que nous passerons vivants. N’est pas l’emplacement où nous finirons par planter notre oriflamme, au milieu d’un champ de neige ou au sommet d’un dernier pic dont on ne pourra plus jamais redescendre. N’est plus de savoir combien de kilomètres en amont du drapeau de nos parents nous nous écroulerons ! Je m’en fiche ! Ce qui restera est une certaine qualité d’amitié, architecturée par l’estime. Et brodée des quelques rires, des quelques éclats de courage ou de génie qu’on aura su s’offrir les uns aux autres. Pour tout ça, (…) je vous dis merci. »

Mais pas un jour ne passe sans que nous n’enfilions nos chaussons pour continuer d’arpenter sans cesse ces lignes de vie. Car il me semble que nous partageons ce même goût pour un certain goût de liberté. Liberté, certes branchée sur courant alternatif, mais suffisamment forte pour s’affranchir par moment des règles édictées par nos sociétés humaines et aller goûter à La Zone du Dehors.

 

« C’est toujours quand ca monte, violent et doux à la fois, infime. Une simple déchirure dans le tissu peigné de l’existence. Une simple craquelure. Mais c’est par là que le désir passe. »

 

Et à cet homme qui garde l’entrée de la Calanque de Sormiou à l’abri de ses quatre murs et qui nous assène un insensé « vous êtes des inconscients » alors que nous partons pour une nouvelle journée sous les rafales, je n’ose lui répondre que l’inconscience serait de rester à l’abri de tant de merveilles que la nature nous offre et qu’il serait inconscient de ne pas saisir l’urgence de les pénétrer.

 

« Personne n’est aliéné, ce n’est pas vrai. Il n’y a pas d’aliénation ! Ce n’est pas le critère qui décide de la valeur des vies qu’on mène. Le vrai critère, c’est la vitalité. C’est être capable de bondir, de s’arracher sans cesse à soi-même pour créer, s’accroître, devenir autre, et autre qu’autre, sans cesse. Sentir le neuf. »

Je ne sais pas si nous sentions le neuf. Mais je suis plutôt sûr que nos sacs remplis de thym et romarin sauvages embaumaient agréablement le wagon du train qui nous ramenait dans nos pénates.

 

Merci à Thibaud,
pour avoir fait souffler,
ce vent nouveau.

 

 

 

 

 

2 Comments

  1. Alain D de La Croix rousse dit :

    My pleasure 🙂

  2. philippe dit :

    Bravo les gars ! Vous êtes magnifiques. Evidemment qu’il faut braver le garde barrière des Calanques, par tous les moyens !

    Puisque vous aimez le vent, voici une petite citation de Jean Claude Izzo (polar marseillais très sympa. Elle t’expliquera aussi le concept marseillais du ramassage des ordures :
    « Marseille est ville de lumière. Et de vent. Ce fameux mistral qui s’engouffre dans le haut de ses ruelles et balaie tout jusqu’à la mer. »

    Grosses bises
    Philippe

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