Goulotte Chéré – Triangle du Tacul – Hivernale

By Bertrand, 19 décembre 2009

En cette fin de décembre, je retrouve Fabien, guide à Chamonix, pour une course en haute montagne. Les conditions sont difficiles, caractérisées par une faible quantité de neige, un vent fort, et un froid très prononcé. Nous avons décidé de parcourir la goulotte Chéré, une classique du Triangle du Tacul. Afin d’éviter de se retrouver derrière une cordée et du fait de la faible durée du jour (nous sommes proches du solstice d’hiver) nous prenons, la veille, la direction de l’abri Simon pour y passer la nuit.

Le triangle du Tacul (photo prise lors d'une journée plus clémente !)

Le triangle du Tacul (photo prise lors d'une journée plus clémente !)

Une fois arrivés au téléphérique de l’Aiguille du Midi, force est de constater que peu de cordées ont prévu un séjour en altitude puisque nous sommes absolument seuls. Les employés nous raillent gentiment alors que nous pénétrons sur l’arête neigeuse par des « vous avez vraiment envie d’avoir froid vous ! ». Ambiance… Il est vrai que la température en cette fin d’après-midi frise les –20°c. La descente à l’abri se révèlera d’ailleurs assez problématique puisque le verglas est présent sur une bonne partie de l’arête neigeuse. D’autant que le brouillard réduit considérablement notre visibilité. Alternant entre ski et crampons nous sommes contraints de monter sans nos peaux qui refusent de coller du fait du froid. Résultat, un peu plus de 2 heures pour atteindre l’abri contre 30 minutes habituellement…

Au départ de l'Aiguille du Midi, ambiance...

Au départ de l'Aiguille du Midi, ambiance...

Nous avons la surprise d’y rencontrer une autre cordée de 3 écossais à l’abri (nullement émue par le fait que je travaille pour RBS…) qui revient justement de la Chéré. Commentaires : glace dure et compacte, froid perçant. Ca promet… Pas étonnant que seuls des Ecossais se trouvent là… Commence alors une longue lutte contre le froid qui gèle à peu près tout autour de nous (nous ne mangerons pas nos crèmes Mont Blanc, appareils photos et téléphones ne fonctionneront jamais pendant la course, je ne peux pas utiliser mes lentilles et doit me contenter de ma bonne vieille paire de lunettes…). La température reste autour de –25°c toute la nuit. Malgré les couches de vêtements, duvet, couvertures je dors la tête dans le duvet pour ne pas inhaler l’air trop froid qui renforce mon mal de tête certainement dû à une trop brusque montée en altitude.

Préparation du festin !

Préparation du festin !

Tout cela pourquoi ? Sempiternelle question qui me tient éveillé…

Le lever du soleil qui projette ses rayons naissants, dégradé subtil du noir à l’orange sur la chaîne Jorasses-Rochefort-Géant puis illumine de tons rosâtres la neige sommitale du Tacul est un enchantement. Et que dire de cette solitude bienfaisante. Nous sommes les seuls à profiter de ce spectacle intemporel, seuls au milieu de ce cirque de cimes, qui d’ordinaire vit au rythme des nombreuses cordées catapultées de la vallée à presque 4000m par le téléphérique. Les conditions sont rudes, oui, mais voilà l’un des principaux attraits de l’alpinisme hivernal.

J’aimerais prendre des photos mais l’appareil ne fonctionne pas par ce froid…

Seuls sur la Mer de Glace nous approchons à ski la rimaye du Tacul et entamons la première longueur de la goulotte sous un vent glacial. Cette première longueur, habituellement en neige, est alors verglacée d’une glace noire sur une grande moitié, et nous met immédiatement dans l’ambiance avec des onglées douloureuses qui apparaissent. Heureusement la suite de la course sera moins compliquée car à l’abri des grandes bourrasques. La glace d’aspect noire ne nous oppose finalement pas trop de difficultés et en moins de 3 heures nous entamons la série de rappels qui nous ramène au pied de la goulotte.

Le retour à l’Aiguille du Midi se révèle très compliqué, toujours du fait du vent et du brouillard qui nous ralentissent beaucoup. Alors que nous affrontons la dernière pente neigeuse, skis sur le dos, le vent se met à souffler de manière très violente, à plus de 80km/h, et nous oblige à monter à genoux jusqu’au sommet. Pas de mal, mais des brûlures au visage et aux genoux persistantes… Une vraie hivernale !

Un gros sandwich au Poco Loco à Chamonix nous donne un peu de réconfort…

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