Doldenhorn à ski depuis Kandersteg

By Bertrand, 28 janvier 2024

Devenir parent change assurément la vie dans toutes ses plus infimes dimensions. Quand on pense à la pratique de l’alpinisme, nombreux sont les témoignages d’une propension au risque plus faible. Cela entraîne même parfois un arrêt de l’activité. En ce qui me concerne, probablement car j’ai pratiqué dès le départ l’alpinisme avec des compagnons très sensibles au risque, je ne ressens pas une grande différence post paternité.

En revanche ce qui a changé et me tiraille chaque fois est la tension entre l’envie de sortir au grand air et une réticence à quitter ma famille. Celle-ci m’habite depuis 8 ans maintenant. Une fois là-haut je réalise systématiquement à quel point j’ai besoin de cette prise d’altitude (de distance ?) pour revenir plus présent. Chaque fois le départ n’en demeure pas moins résistant.

Attention, mon propos n’est absolument pas de dire que je fais quelque chose à contre cœur. C’est uniquement la sincère réalisation que j’ai besoin d’ici et d’ailleurs. Je ne pourrais pas vivre sans l’une ou l’autre même si parfois elles se dissocient. J’ai la ferme conviction cependant que vivre l’une me permet de vivre l’autre pleinement. Tout comme la marche n’est finalement qu’un savant équilibre dans le déséquilibre.

Ce week-end avec Stéphane m’a fait revivre ce sentiment dual. Le plaisir est immense de retrouver un ami et de profiter de ces instants de partage, de simplicité et d’authenticité. Dans le même temps, les conditions en montagne en cette fin janvier sont délicates et invitent plutôt à reprogrammer. La neige à basse altitude a disparu sous l’effet d’une grande vague de chaleur ; le vent a soufflé fort en altitude rendant les conditions très délicates. Le choix de la course est ardu. Nous nous y reprenons à plusieurs reprises pour trouver un objectif enthousiasmant et sûr. Nous optons en définitive pour le Doldenhorn, notre idée initiale, même si nous avons d’énormes doutes (qui subsisteront jusqu’aux dernières pentes sommitales) sur notre capacité à fouler ce sommet, habituellement fréquenté au printemps, au plein coeur de l’hiver.

Ce tiraillement dont je parle ici a pris une bien jolie forme le soir au refuge. Ce dernier, non gardé à cette période, nous accueille uniquement Stéphane et moi en ce samedi soir. C’est une soirée des plus douces qui s’offre à nous. Sorti admirer les étoiles cela me fait penser à Victor qui étudie intensément l’univers et qui aurait apprécié à coup sûr ce spectacle saisissant.

Glorieux matin

Le lendemain, comme pour nous gratifier de notre présence, la nature nous offre une montée illuminée sur notre gauche par la lune couchante et sur notre droite par le soleil levant. Notre émerveillement n’a pas de limite. Nous gravissons le sommet l’esprit léger et joyeux malgré les difficultés techniques liées à la saison. Celles-ci ne rendent le sommet que plus inattendu et beau.

Sans en avoir parlé avec Stéphane je crois que ces sentiments ne lui sont pas étrangers. Quand il m’a proposé d’hausser le pas pour prendre le premier train possible, ses pensées étaient déjà un peu avec sa famille.

Je redescends plein de gratitude. Pour la nature de nous offrir ce spectacle. Pour Stéphane d’avoir quitté sa fille l’espace de deux jours. Pour Stéphanie de me permettre de partir.

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