Aiguille du Chardonnet – Arête Forbes

By Bertrand, 9 août 2021

Un cinéaste, dans une émission de radio récente, livrait en deux mots les raisons de son intérêt pour le cinéma expérimental. En dépit de de l’accès ardu de certaines œuvres, qui demandent souvent une implication forte du spectateur sur le moment, pour ne pas se décourager, les bénéfices qu’il en retire sont nombreux. Compréhension de soi, sentiment d’être grandi, plus riche, satiété.

Ses mots me reviennent à l’heure d’écrire sur notre parcours de l’arête Forbes avec Stéphan. D’ailleurs pourquoi écrire ? Une photo Instagram ferait peut-être tout aussi bien (mieux) l’affaire ? Je me plais à penser que ce n’est peut être pas le cas.

Se lever à 2h30 du matin, faire des efforts importants durant près de 16 heures, s’exposer à l’incertitude, peut sembler incompréhensible. En tout cas pas la définition d’un week-end de vacances. Oui mais l’intensité de ces journées est d’une richesse incomparable. Une de ces journées qui restent gravées et “bougent notre curseur” comme le dit si bien un ami guide, Hugues Bonnel.

Se lever en pleine nuit rime pour nous avec le privilège d’un lever de soleil éblouissant en haut de la bosse de neige qui garde le début de l’arête. Cela fait quatre heures que nous traçons notre chemin entre les crevasses et les pentes raides qui mènent au pied du Chardonnet. Combin, Cervin, Dent Blanche et autre Weisshorn nous souhaitent le bonjour. Drapés de blanc, les sommets nous gratifient toute le journée de vues époustouflantes.

Jusqu’au dernier moment l’incertitude est grande quant à la possibilité de parcourir cette arête alpine dans ces conditions. Les plus diluviennes qui s’abattent encore la veille sur la glacier du Tour ont déposé près de 40cm de neige fraîche sur l’arête, rendant son parcours délicat. Nous sommes d’ailleurs la seule cordée du refuge Albert 1er à maintenir notre objectif. Les rafales de vent qui nous accompagnent sur tout le parcours, la neige qui gomme toute trace de passage ou encore le jour blanc qui nous empêche de visualiser correctement l’itinéraire de descente au milieu de crevasses gigantesques du glacier du Tour nous maintiennent en état de vigilance toute la journée. Ce jour blanc qui fait naître dans notre imaginaire des images et des couleurs ; le glacier semble prendre vie, tourbillonner, s’agiter telles les vagues d’un océan. Les immensités de la planète Dune me viennent en tête.

Nous y avons gagné un parcours de l’arête en solitaire, à faire notre trace et nos choix sans autre guide que notre instinct et notre expérience. Un privilège et une expérience hors du commun et hors du temps.

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