La benne de La Pallud, première bourgade italienne à la sortie du tunnel du Mont Blanc, nous projette, Stéphan et moi vers les hautes altitudes. Derrière nous, les val Veni et Ferret, où le vert printanier domine, contrastent avec l’âpreté des Noire et Blanche de Peuterey qui s’élancent fièrement vers le sommet du Mont Blanc. Il s’agit de notre première ascension ensemble ; alors que nous avions échangé quelques mots à la salle d’escalade, nous nous étions trouvé de nombreuses envies verticales communes et nous profitons donc de cette belle journée de juin pour nous frotter au granit chamoniard.
Alors que je grimpais dans le Chablais il y a quelques semaines, un guide rencontré à un relais me conseillait la Chandelle du Tacul. Rapidement en conditions grâce à son orientation et sa verticalité, il ventait ardemment la qualité de l’escalade sur ce satellite du Mont Blanc du Tacul. Le hasard veut que, ce matin là, nous retrouvions ce guide dans la benne alors que nous partions escalader la voie qu’il me conseillait ! Le monde est petit…
Pendant que lui et son client partent en direction de la face nord de la Tour Ronde, très fréquentée ce jour là, Stéphan et moi virons plus à droite vers la Combe Maudite. Je suis très heureux, presque 4 ans après mon ascension du Grand Cap de revenir dans cet endroit magnifique du massif. Le Grand Cap m’impressionne toujours autant par ses dimensions et ses surplombs débonnaires, et c’est non sans une pointe d’amusement que je repense à notre ascension, alors que je mettais les pieds en haute montagne pour la première fois.
Notre choix du jour se porte sur la combinaison des voies Bonatti et Tabou, qui suivent une fissure évidente tout en évitant les grosses difficultés surplombantes des voies originales. Tabou, ouverte par Piola, est un clin d’œil au grand Bonatti, peu adepte des spits métalliques, que Piola affectionne lors de ses nombreux équipements. La Bonatti Tabou est cependant une vraie voie de Terrain d’av, avec uniquement quelques vieux pitons rencontrés ci et là et tout de même des relais équipés aux normes modernes.
Je m’élance dans la première longueur, sur une large dalle grise, le long de fissures et d’écailles typiquement chamoniardes. Ayant attaqué la voie plus bas que le topo original, nous ne sommes pas sûrs de l’endroit exact où nous nous trouvons. Alors que Stéphan s’élance dans ce qu’il croit être du V, une cotation modeste, il s’agit en fait de la deuxième longueur en 6b, bien retors, avec un rétablissement en sortie de dièdre pas évident du tout ! Stéphan s’en sort avec brio. Alors que je jette un coup d’œil en direction de la Tour Ronde, je vois le guide et son client prendre pied sur l’arête terminale du sommet. Quelle rapidité !
Après deux belles longueurs qui demandent un tant soit peu de recherche d’itinéraire, je m’élance dans l’une des plus belles longueurs de la face. Celle-ci un fin feuillet avant de passer sous un petit surplomb qui mène vers une fissure à doigt technique. L’escalade est tout simplement magique. Quel plaisir également de poser ses protections dans une fissure de cette qualité. Un vrai régal ! Comme un cadeau ne vient jamais seul, la dernière longueur est elle aussi tout simplement superbe, et Stéphan prend visiblement un plaisir immense à parcourir cette fissure franche et régulière qui se termine par quelques mouvements horizontaux pas évidents avant de prendre pied sur le sommet à 3 561m d’altitude.
Après 3 rappels rapides, c’est une manip’ de corde astucieuse qui nous permet de prendre pied sur le glacier, notre dernier rappel nous ayant laissé à 3 mètres de nos sacs. Un coup d’œil à la montre nous indique que la dernière benne vers la vallée est dans 45 minutes. Sachant qu’il faut 1h45 pour la rejoindre, cela s’annonce chaud ! Malgré un retour au pas de course, éprouvant à cette altitude… nous la ratons de peu. Heureusement les Italiens se montrent compréhensifs et nous permettent de redescendre avec la benne réservée aux employés. Après une telle journée, la bière sur une terrasse de La Pallud au soleil n’est pas volée, surtout quand elle est servie avec chips et pop corns !
La voie à l’aire magnifique cela donne vraiment envi…en terme d’équipement c’est comment ? L6 super fissure entièrement à protéger je présume ? Après une première course pour toucher le granit j’ai bien envi de faire un tour Merci pour les photos
Bonjour Laurent. Merci pour ton commentaire. Il y a quelques pitons de Bonatti dans la voie mais il faut un jeu complet de friends et de coinceurs. Pas trop de grandes tailles, petits et moyens surtout. On a beaucoup utilisés les câbles. Dans L6 il y a un piton et une vieille cordelette si je me rappelle bien. Bonne grimpe !
Les photos sont très belles et toutes bien cadrées : bravo pour ces clichés pris « en grimpant ».
Merci Bertrand pour tes renseignements trop belle les photos j’y suis déja